Culture Numérique

Droit à la déconnexion

On en entend beaucoup parler depuis plusieurs mois, et ca s’accentue depuis quelques semaines. Le gouvernement veut réformer le droit du travail, et prévoit de se pencher sur le problème de « l’infobésité« . Ce néologisme, certains d’entre vous le connaissent peut-être très bien, à travers  la masse de mails, et données numériques, à traiter dans une journée de travail, qui empiète très largement sur votre temps de « repos ». Mais vous, en tant que pro, en interne ou pour vos clients, vous aurez peut-être à appréhender la question du « droit à la déconnexion« . Essayons donc de voir ce qui peut s’envisager.

Droit à la déconnexion

Demain, peut-être qu’un de vos clients (moyenne ou grande entreprise), ou votre chef de service si vous travaillez en service info d’une société, vous dira « Bon, faut qu’on réfléchisse à ce droit à la déconnexion ». Sous son air inoffensif, cette question soulève bien des problèmes.

Paradoxes

En effet, ca implique de réfléchir à plusieurs aspects d’un même besoin. Et ce besoin, à savoir celui de communiquer, doit être envisagé sous des angles complètement nouveaux dans le cadre de ce fameux « droit à la déconnexion« . Déjà, parce qu’on vous parle dans des termes rarement abordés avec vous : « bien être de l’utilisateur », « pause », « surcharge de données », etc… Ensuite, parce que les points à aborder le seront de manière totalement inversée, par rapport à ce qu’on vous demandait habituellement.

La dépendance

Premier paradoxe : L’utilisateur final, le cadre qui reçoit des dizaines ou des centaines de mails par jour, en plus des SMS et autres infos à traiter, en devient finalement « accro ». C’est comme ça. Si vous avez du mal à le comprendre, rappelez vous vos dernières vacances. Vous n’avez pas vérifié plusieurs fois par jour si vous aviez des mails « importants » à traiter?

C’est de plus en plus le cas, le cadre dynamique, aux dents longues, est boulimiques d’informations à traiter. S’il veut avancer vite et bien, il lui faut être au courant de tout, tout le temps. Et après tout, même s’il reçoit quelques mails en soirée, qu’est ce que c’est? Quelques minutes d’attention? Mais c’est ainsi, il s’emprisonne petit à petit dans une dépendance vis à vis de cette connexion permanente. Smartphone, PC, les équipements connectés le suivent, et il a besoin des informations qu’on lui envoi à tout heure. 07905323-photo-e-mail-travail-deconnexion

C’est paradoxal pour l’utilisateur, car sa vie privée est polluée par ces informations qu’il désire pourtant continuer de recevoir. Mais c’est aussi un paradoxe pour vous, technicien de cette machinerie de communication, puisque d’habitude on vous explique plutôt qu’il faut que ca puisse marcher en toute heure. Les pc doivent être configurés pour fonctionner en home office, la communication doit se faire de manière ininterrompu, et là, pour la première fois, on vous parler d’une mission qui va exactement à l’inverse de tout ça!!

L’intérêt d’une communication

Le second paradoxe concerne une prise conscience des collaborateurs d’une entreprise, notamment des plus élevés dans la hiérarchie. Si certains vivent très bien cette ultra connexion, ce n’est pas le cas de tout le monde. Et si un responsable des ventes, le soir, envoi à l’aide de son smartphone sur son canapé une demande à son équipe de commerciaux, c’est pour gagner un peu de temps le lendemain, sans forcément d’arrière pensée.
Mais tout le monde n’est pas égal face à un potentiel « stress » engendré. Peut être que dans les destinataires du mail, certains auront de réels problèmes avec ca. Problèmes personnels, vie privée chargée (enfants en bas âge, parent célibataire), et tout simplement aptitude à gérer son rapport avec les demandes professionnelles. Pour certains, ces communications répétées à toute heure seront de vraies facteurs anxiogènes…

Il convient donc d’essayer d’aborder ca avec les équipes. Est ce qu’il est vraiment indispensable d’un point de vue professionnel, d’envoyer ce mail à 23H? Est ce qu’il est cohérent d’en attendre une réponse dans le quart d’heure qui suit? Est ce que les collaborateurs ne seront pas plus efficaces s’ils ont plus de temps « de décompression »? Je pense que lorsque le débat est ouvert, en temps qu’intervenant extérieur, nous pouvons tout à fait aborder ces points.

La Technique

Troisième paradoxe : La technique. En temps normal, on vous demande une chose : Que ça fonctionne en permanence. Et là, il va falloir mettre en place la solution inverse. Ce n’est pas très compliqué en soit, mais il y a une mécanique de réflexion à mettre en place, qui diffère un peu. Il faut penser donc à pouvoir arrêter un service qui fonctionne habituellement en permanence. Mais il faut aussi penser que lorsqu’il y a arrêt, il y a relancement, et c’est souvent là que les choses sont plus compliquées. On sait bien que parfois, les arrêts de services par exemples peuvent foirer un peu, et le lendemain, les redémarrage de ces mêmes services peuvent être chaotiques. Il faut donc penser à mettre en place des tests, ou des alertes, afin de réagir au mieux lors d’éventuelles pannes.

Approches différentes

Pour Bruno Mettling, directeur général adjoint d’Orange, il faut instaurer « un droit à la déconnexion professionnelle qui doit se généraliser par négociation d’entreprise ». « Pour être effectif, ajoute-t-il, il doit s’accompagner d’un devoir de déconnexion dont le respect incombe d’abord à chacun d’entre nous, mais aussi à l’entreprise. Il revient, en effet, à celle-ci de former ses collaborateurs au bon usage des outils digitaux. Les dirigeants doivent également se montrer exemplaires. » On a donc ici, une mise en place du droit à la déconnexion par la formation des utilisateurs de ‘l’outil de communication, et par une incitation à respecter des « codes de bonne conduite ».

D’autres sociétés préfèrent mettre en place des contraintes techniques, afin de forcer les utilisateurs à se déconnecter. Volkswagen a par exemple mis en place un dispositif d’automatisation d’arrêt de leurs serveurs Blacberry entre 18H15 et 7H00. En réalité, techniquement, les serveurs restent démarrés, mais les redirection d’emails ne sont font plus. Pour le moment, seuls les sites allemands sont concernés, mais l’ensemble du groupe devrait être concerné par ces mesures si l’expérience s’avère concluante. Pour PriceMinister, une journée par mois, les serveurs de messagerie sont à l’arrêt. Ceci afin de favoriser les échanges oraux.

Pistes techniques

Viendra donc le moment où on vous demandera « Comment pouvons nous appliquer un droit à la déconnexion ». Ou au moins, comment tendre à ce que nos collaborateurs aient un peu de répit imposé?

Cela passe évidemment, en premier lieu, par les serveurs de messagerie. On pense effectivement immédiatement à un arrêt des serveurs de messagerie la nuit, avec un redémarrage le lendemain. Mais ce cas de figure pose certains problèmes. L’arrêt quotidien d’un serveur signifie relance quotidienne, avec son lot de désagréments. On peut choisir d’arrêter uniquement un service.
Certains préfèrent automatiser la suppression du message envoyé, avec une réponse automatique du type « Il est plus de 20H00. Votre mail a été supprimé. Si vous pensez que cette communication est urgente, merci d’appeler votre correspondant sur son mobile ». Le but est de ne pas importuner le destinataire inutilement, et d’indiquer à l’émetteur qu’il peut le joindre directement en cas d’urgence.

Mais le droit à la déconnexion passe aussi par d’autres approches techniques. Certaines entreprises optent pour des forfaits jours pour leurs cadres. Ainsi, plus de communication la nuit. Ce ne sera évidement pas adapté pour tout le monde, surtout le personnel informatique susceptibles d’intervenir la nuit pour résoudre une panne. Mais pour les commerciaux, cadres, etc, ce peut être adapté.
L’utilisation d’un MDM sur une flotte mobile permet de mettre en place certains restrictions par plages horaires, ce qui peut être une bonne piste.

Le télétravail peut être est stoppé. On peut par exemple programmer les accès VPN pour qu’ils se coupent, privant ainsi les collaborateurs des données stockées dans l’entreprise, et du travail à distance (bureau à distance et remote apps).

Quelques entreprises vont jusqu’à se servir de la domotique. Les lumières des bureaux s’estompent à partir de 19H30, puis s’éteignent presque vers 20H. Le but est d’inciter la personne à quitter son bureau, et donc de ne pas passer sa soirée dans l’entreprise. On peut imaginer une extinction programmée des ordinateurs en soirée, ou autres dispositifs afin de priver l’utilisateur des outils de travail.

Changements

Un virage s’amorce. L’employé modèle n’est plus celui qui passe sa vie au bureau, ou qui réponds aux mails, appels, SMS, à toute heure du jour ou de la nuit. Les burn-out s’enchainent, les cadres baissent en productivité face à une pression grandissante, et les entreprises commencent à le comprendre.
Il est donc probable, dans les années à venir, que vous soyez sollicités pour faire face à ce genre de mesure. Si ce billet n’a pas pour but de vous donner des solutions, j’espère au moins qu’il vous aura intéressé et amené à réfléchir un peu à ce nouveau problème auquel nous serons confrontés.

Samuel Monier

Informaticien indépendant Réseaux et systèmes - Infrastructure - Serveurs. J'interviens sur les départements 42 - 63 - 69 - 43 - 71, et à échelle nationale à distance. N'hésitez pas à me demander conseil!

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